Pourquoi défendre les sciences sociales ?

 La thèse que nous défendons au sein de l’observatoire de la pédagogie publique, c’est que le « bashing public » contre les sciences sociales à des conséquences importantes du point de vue de la défense des principes de la démocratie.


Un mouvement de discrédit public


Nous assistons depuis quelques années à plusieurs phénomènes inquiétants de critique des sciences sociales. Nous allons lister certaines expressions :


- Une critique qui provient des personnalités politiques. On peut à cet égard rappeler plusieurs exemples. La déclaration de Manuel Valls en 2015, après les attentats djiadistes : «J'en ai assez de ceux qui cherchent en permanence des excuses et des explications culturelles ou sociologiques à ce qu'il s'est passé.»i. On peut mentionner également les sorties de Jean-Michel Blanquer contre la notion d’intersectionnalitéii. A cela, il est possible d’ajouter l’annonce de Frédérique Vidal de diligenter une enquête sur « l’islamo-gauchisme » dans les Universitésiii.


- D’autres critiques proviennent des attaques menées par certains universitaires eux-mêmes contre des recherches dont ils ne sont pas spécialistes à proprement parler. Un exemple spécialisé dans ce type de critique est l’Observatoire du décolonialisme. On peut en effet se demander en quoi une sociologue de l’art ou un spécialiste de littérature sont compétents en sociologie des discriminations.


- Enfin, l’extrême-droite discrédite les savoirs académiques sur la société en considérant que les Universités sont acquises à une idéologie de gauche, voire gauchiste.


Des sciences sociales empiriques


Or ce renvoi des travaux en sciences sociales à l’idéologie à plusieurs conséquences problématiques :


- Il conduit à ignorer la différence entre simple opinion et recherches empiriques. Les recherches sur les inégalités sociales et les discriminations reposent sur des travaux empiriques, et en particulier des recherches quantitatives qui visent à objectiver des faits sociaux.


- De son côté, l’extrême-droite est vecteur de propagations de théories complotistes. Or ce qui permet de démysthifier ce que nous appelons des pédagogies mythifiantes, c’est de justement de distinguer entre le fait social objectivé par des recherches empiriques et des mythes tels que le « Grand remplacement ».


- A l’inverse, ce qui est nommé « wokisme » par un certain nombre d’acteurs s’appuie sur des recherches en sciences sociales sur les discriminations.


De ce fait, le discrédit public des recherches en sciences sociales à des conséquences graves car cela conduit à dévaluer un certain nombre de travaux qui démontrent le caractère mythifiant d’un certain nombre de discours qui portent un projet social discriminatoire et stigmatisant.

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i Faure, S., Daumas, C., & Vécrin, A. (2016, January 12). «Culture de l’excuse»  : les sociologues répondent à Valls. Libération. https://www.liberation.fr/debats/2016/01/12/culture-de-l-excuse-les-sociologues-repondent-a-valls_1425855/

iiLagrave, R. (2020, November 3). Intersectionnalité : Blanquer joue avec le feu. Libération. https://www.liberation.fr/debats/2020/11/03/intersectionnalite-blanquer-joue-avec-le-feu_1804309/

iiiNevé, S. L. (2023, March 30). Enquête sur « l’islamo-gauchisme » à l’université : histoire d’une vraie fausse annonce. Le Monde.fr. https://www.lemonde.fr/societe/article/2023/03/29/enquete-sur-l-islamo-gauchisme-a-l-universite-histoire-d-une-vraie-fausse-annonce_6167488_3224.html

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